Pierre Desproges, ou les hasards d’un voyage et d’un anniversaire
3 jours seul à Paris.
3 jours pour changer d’air, pour se déconnecter de l’actualité, pour que l’ex-banlieusard se métamorphose en néo-touriste parisien.
L’occasion de rencontrer, de découvrir, de flâner, de "pèleriner".
Un séjour bien rempli qui, paradoxalement, naviguant d’une sculpturale vague, aux abysses les plus profonds, en passant par presque toutes les mers du globe, c’est miraculeusement déroulé sans une goutte de pluie.
Me restaient quelques heures avant de prendre le train du retour … pourquoi ne pas aller au Père Lachaise ? Une gueule d’enterrement congénitale dans un cimetière, ça fait ton sur ton, non ?
A l’entrée, un panneau dresse la liste des plus illustres
locataires des lieux.
1 heure devant soi, pas le temps de tergiverser, les nominés sont : Pissarot, Desproges et Seurat (Pierre Dac n’avait qu’à loger plus près
de l’entrée !)
J’ai beau avoir fait pas mal de courses d’orientation, je
dois avouer qu’après vingt bonnes minutes de vaines recherches j’ai demandé de
l’aide pour trouver la sépulture de Pierre Desproges.
- Mais Monsieur, elle est juste derrière vous. M’a-t-on répondu en me désignant un emplacement on ne peut plus simple. Un rectangle de terre ceinturé d’une barrière métallique, envahi par des rosiers.
L’endroit a de quoi surprendre, mais on peut se consoler en se disant qu’il est emblématique de l’artiste, à la fois simple et piquant.
Au fond de l’espace, une vilaine caricature de l’humoriste ; et un journal qui m’est inconnu, sur lequel figure Desproges. Cela a tout d’un placard publicitaire : n’oubliez pas d’acheter ce numéro, il y est !
Desproges repose juste en face de Michel Pétrucciani (petit par la taille, mais grand par le talent … et par la pierre tombale)
Sur la barrière une simple plaque : Pierre Desproges 1939-1988
Une femme d’un certain âge, équipée d'une canne anglaise, marmonne en essayant de nettoyer le rectangle de terre :
- Tous des salauds ! Ils parlent tous de lui, mais ici il n’y a personne aujourd'hui !
La dame qui m’a renseigné s’approche : - c’est aujourd’hui de vingtième anniversaire de sa mort.
La vieille continue à marmonner pour elle-même : - Ils auraient pu venir tout de même ! Au moins son équipe. C’est
tous des salauds !
J’image qu’elle parle des membres du « Tribunal des flagrants délires »
Ma guide improvisée : - Aujourd’hui sur France
Inter ils ont organisé une journée spéciale pour lui rendre hommage
J'ignorais totalement. Moi quand je déconnecte : c’est pas à moitié.
La vieille : - Les rosiers, ils ont même pas été
plantés, ils ont poussé tout seuls !
L’autre dame : - Vous croyez ? En tout cas ils sont en boutons. Ce sera joli dans quelques jours. Moi je l’aimais beaucoup, poursuit-elle en s’adressant à moi. Mais il n’y a pas beaucoup de monde pour lui rendre visite. Ce n’est pas comme Gilbert Bécaud, sa tombe est toujours très fleurie.
Je murmure l’une de ces platitudes dont j’ai le secret : - On est nombreux à penser encore à lui.
Arrive un groupe de jeunes adultes accompagnés d’un guide, ils viennent de rendre visite à Frédéric Chopin.
- Et voici la tombe de Pierre Desproges, un humoriste qui a fait beaucoup de spectacles …
Deux voix s'élèvent :
- Qui ?
- Ah bon, qui c’est çui là ?
… pas forcément les mieux renseignés, mais au moins les plus curieux du groupe.
Autant dire que je me suis dispensé de la réponse du guide, et du silence emprunt de respect et d’admiration qui n’a pas manqué de suivre.
Quelques minutes plus tard, Gare de Lyon, je fais face à
une pub vidéo, à l’entrée d’un kiosque : « TOUT DESPROGES :
l’intégrale de ses textes + 1 DVD : 2Kg de PUR DELIRE »
En matière de participation commémorative, c'est du lourd. Total respect.
De l’intérêt, ou non, d’une sépulture pour laisser une trace
de notre passage en ce bas monde, et permettre à ceux qui nous survivent de se
recueillir ou de s’éduquer ... Un sujet que je vais méditer, promis !
Alors, ce récit d’un après-midi du 18 avril 2008, exacte vérité ou pure invention ?
Faites-moi un grand plaisir : ne croyez pas un traître
mot de ce qui vient d’être décrit !
Et pour dénoncer haut et fort, et en toute connaissance de cause mes affabulations, rendez-vous à la section 10 du Père Lachaise … cela fera un peu de compagnie au regretté Pierre Desproges.
C.H.