Réaction de Pierre Le Coz à la Fermeture de l’exposition « Our Body »
Pierre Le Coz, professeur de philosophie, vice
président du conseil national d’éthique :
Cette prise de position fait écho, par exemple, à celle du professeur Francis Navarro il y a quelques années concernant les greffes de foie :
Le Pr Navarro ne
greffera pas en Chine
«Je
condamne les chirurgiens français qui acceptent de former à la transplantation
leurs homologues en Chine. Pourquoi? Parce que ce pays est soupçonné de
commercialiser les organes prélevés sur les condamnés à mort.» Francis
Navarro est chef du service de chirurgie hépato-digestive et de transplantation
au CHU de Montpellier. Il a à son actif pas loin de 300 greffes de foie. On ne
choisit pas par hasard d'exercer cette spécialité médicale. Pas seulement parce
qu'elle requiert un très haut niveau technique. Ou encore qu'elle vous mobilise
nuit et jour: il n'y a pas d'heure pour être victime d'un accident qui fera de
vous un potentiel donneur d'organes. La transplantation impose une réflexion
éthique que ce chirurgien, professeur à la faculté de médecine de Montpellier,
a choisi d'enseigner aux étudiants de première année.
Or, selon lui, cette éthique est aujourd'hui menacée par le tourisme de
transplantation. «De nombreux Occidentaux, et notamment des Américains, en
attente d'une greffe, se rendent en Chine pour être greffés à des prix
exorbitants, dénonce-t-il. Pour 62 000 dollars, ils peuvent se faire
transplanter un rein; pour 150 000 dollars, un poumon... Bien que la
commercialisation des organes ait été interdite en Chine en juillet 2006,
certains sites Internet/ont encore la promotion de ce genre d'opérations.»
C'est le cas notamment de celui du China International Transplantation Center
(http: //en.zoukiishoku.com).
D'où viennent ces organes? Pour Francis Navarro, une accumulation d'indices
concordants suggère qu'ils sont prélevés sur des condamnés à mort chinois. Fin
2005, Amnesty International a recensé 1 770 exécutions dans ce pays. Mais,
selon l'association, tout porte à croire que ces chiffres sont bien en deçà de
la réalité. «On m'a proposé dans le cadre d'un échange avec la Chine de
réaliser une transplantation là-bas. Mes correspondants me proposaient de
choisir une date. Comme s'ils disposaient d'organes à la demande. Cela a
éveillé mes soupçons. J'ai refusé de m'y rendre.»
Le 19 avril 2006, la Société britannique de transplantions publiait un
communiqué condamnant la «commercialisation», en Chine, des organes de
prisonniers exécutés. Francis Navarro milite pour que ses confrères français
fassent de même.
C.H.